Complications cardio-vasculaires : encore et toujours la première cause de mortalité chez nos patients diabétiques

Malgré les données épidémiologiques encourageantes de ces trente dernières années, révélant le net recul de la mortalité cardiovasculaire, avec une diminution d’environ 45% des événements cardiovasculaires chez les patients diabétique de type 2, comme de type 1. Le combat est, pour autant, loin d’être gagné. Les maladies cardiovasculaires restent à ce jour la première cause de mortalité chez les sujets diabétiques.
Les preuves se cumulent pour démontrer les bénéfices additionnels liés aux stratégies de dépistage et le choix des différentes thérapeutiques devenus majeurs en termes de pronostic cardio-vasculaire.
N’en déplaise aux révisionnistes et contestataires en tout genre, très en vogue ces dernières années, le bénéfice apporté pour nos patients de la prise en charge précoce des facteurs de risques cardio-vasculaires ne fait aucun doute. Le mérite de ce net recul revient au progrès important réalisés ces dernières années dans la prise en charge du diabète et des facteurs de risque cardio-vasculaire. L’arsenal thérapeutique s’est considérablement enrichi dans plusieurs domaines, avec l’apparition des anti- PCSK9, qui viennent renfoncer les rangs des hypolipémiants. La classe des anti-hypertenseurs offre actuellement un large choix. Sans oublier les nouveaux anti-diabétiques aux effets cardio-protecteurs, les analogues GLP1 et les anti-SGLT2.
La prévention des complications cardio-vaculaires reste une priorité absolue chez nos patients diabétiques. Voici les points essentiels à considérer pour améliorer leur prise en charges selon les dernières recommandations européennes de l’ESC/EASD 2019.

1. Définir le risque cardio-vasculaire du patient :
Pour adapter la stratégie de dépistage et la prise en charge adéquate, il faut définir le risque de chaque patient. Les diabétiques ne sont jamais considérés à bas risque. Les recommandations ont défini 4 stades :
• Très haut risque cardio-vasculaire :
 Patients en prévention secondaire (patients ayant déjà présenté un infarctus du myocarde ou ayant bénéficié d’une revascularisation des artères coronaires, un accident vasculaire cérébral ou une artérite des membres inférieurs)
 Diabétique présentant une complication (néphropathie, rétinopathie, neuropathie, coronaropathie…) ou 3 FDR (HTA, tabac, dyslipidémie, âge ou hérédité familiale)
 Diabétique de type 1 depuis plus de 20 ans
 Diabétique présentant une insuffisance rénale sévère (Cl<30ml/min)  Patients atteints d’hypercholestérolémie familiale avec maladie cardio-vasculaire ou avec un autre facteur de risque cardio-vasculaire • Haut risque cardio-vasculaire :  Patients présentant un facteur de risque cardio-vasculaire majeur comme une tension artérielle supérieure à 180/110 mmHg, un cholestérol total supérieur à 3,1 g/L ou un LDL cholestérol supérieur à 1,9 g/L  Patients présentant une hypercholestérolémie familiale sans autre facteur de risque  Diabétiques sans atteinte d’organe, évoluant depuis plus de 10 ans, ou avec d’autres facteurs de risque cardio-vasculaires  Patients présentant une insuffisance rénale modérée • Risque cardio-vasculaire modéré : - Diabétiques de type 1 de moins de 35 ans - Diabétiques de type 2 de moins de 50 ans avec une durée d’évolution du diabète de moins de 10 ans, sans autre facteur de risque cardio-vasculaire 2. Examens de dépistages à réaliser chez les diabétiques asymptomatiques : L’électrocardiogramme doit rester systématique. Les recommandations sont en revanche plus larges pour les autres dépistages, notamment en ce qui concerne le choix de l’examen. - Maladie coronarienne : • Score calcique : simple et peu couteux, il vient affiner le calcul du risque cardio-vasculaire, et semble judicieux chez les patients à haut risque ou risque modéré • Scanner coronaire, IRM cardiaque, Echographie de stress et Scintigraphie cardiaque sont jugés pertinents pour les patients à très haut risque à la recherche de maladie coronaire silencieuse - Risque artériel périphérique (carotidien et fémoral) : • IPS (index de pression systolique) est mis en avant, et reste l’examen de première intention à réaliser en cas de signe clinique évocateur d’artérite des membres inférieurs • Doppler artériel (carotidiens et membres inférieurs: permettent l’évaluation et le degré d’atteinte artériel en cas de symptômes
3. Définir un objectif glycémique adapté:
L’éviction des hypoglycémies restent d’actualité même s’il ne faut pas pour autant tolérer une dérive à la hausse de l’HBA1C dont l’objectif a été durci avec un seuil à moins de 7% d’une manière générale chez les patients diabétiques. Cet objectif est évidemment à adapter à l’âge du patient, son état général et ses complications.

4. Favoriser les anti-diabétiques cardio-protecteurs chez les patients à risque cardio-vasculaire :

Au vu de l’enjeu, le choix des antidiabétiques n’est pas anodin. La priorité était donné jusque là à la metformine en première intention, associé aux sulfamides, aux inhibiteurs DPP4 ou aux analoguex du GLP1 en deuxième intention. Mais les résultats intéressants d’études récentes concernant l’effet protecteur des analogues GLP1(Trulicity,Victoza,Ozempic) et des inhibiteurs SGLT2 (Forxiga), viennent les positionner chez les patients à risque cardio vasculaire (soit d’insuffisance cardiaque, soit de maladie coronaire) en première intention, voir en monothérapie à la place de la Metformine, ce qui est tout à fait novateur !

5. Prise en charge des autres facteurs de risque et traitements :


• Sevrage tabagique et mesures hygiéno-diététiques :
Inutile de préciser qu’avant d’envisager toute thérapeutique, le sevrage tabagique, l’alimentation équilibrée et l’activité physique constituent la base de la prévention des maladies cardio-vasculaires et sont indispensables dans leur prise en charge.

• Cholesterol:
Il ne fait plus aucun doute que la baisse du LDL-cholesterol est lié à la protection cardio-vasculaire, et ce quelque soit la molécule utilisée (statine, ezetimibe, et/ou anti PCSK9). Les objectifs ont d’ailleurs encore été revus à la baisse :
– < 1g/l chez les patients à risque modéré - < 0.70 g /l chez les patients à haut risque - < 0.55g/l chez les patients à très haut risque - < 0. 40 g/l chez les patients à très haut risque ayant présenté une récidive cardio-vasculaire dans les deux ans La statine reste en première ligne, mais au vu de la sévérité des objectifs, et d’une tolérance parfois moyenne, il ne faut pas hésiter à y associer l’ezetimibe, puis les anti-PCSK9 (Praluent, Repatha) dont l’efficacité est spectaculaire avec une très bonne tolérance.

• L’hypertension artérielle : les objectifs restent identiques c’est-à-dire 130 mmHg.
• Anti-agrégants plaquettaires :
L’aspirine à faible dose n’est toujours pas recommandée chez les patients diabétiques à risque cardio-vasculaire modéré. En revanche elle peut être discutée, associé aux inhibiteurs de la pompe à protons et en l’absence de contre-indications, chez les patients diabétiques à haut risque.
Elle reste en revanche partie intégrante du traitement de base des patients ayant présenté un événement cardio-vasculaire.
• Revascularisation endovasculaire ou chirurgicale :
Elle doit faire l’objet d’une discussion spécialisée selon l’atteinte. On note un choix préférentiel pour l’angioplastie coronaire pour les patients ayant une atteinte coronarienne mono et bitronculaires et chez les patients tri-tronculaire lorsque l’atteinte est basse. Le pontage est préférable chez les patients tritronculaires ayant une complexité de lésions intermédiaires ou élevée.
Pour l’artériopathie des membres inférieurs, la revascularisation endovasculaire ou chirugicale doit également faire l’objet d’une discussion selon la localisation distale ou proximale des lésions, les comorbidités du patient et l’expérience du chirurgien.

Dr Amina Radaoui, Service d’Endocrinologie, CH perpignan