Le ramadan correspond à une période très importante pour les musulmans, et fait parti des cinq piliers de l’islam. Il s’agit d’un mois de jeûne, de partage et de spiritualité. Mais alors, nos patients musulmans atteint d’un diabète peuvent il pratiquer le jeun sans danger ? La réponse est oui, bien que celui-ci ne soit pas obligatoire pour les malades, les diabétiques en bon état général peuvent réaliser le ramadan à condition d’être bien équilibrés, et d’anticiper la période de jeûne avec l’aide de leur médecin en adaptant leurs traitements si besoin. Voici quelques éléments pour vous aider dans ce sens.

Jeun et repas du ramadan :

Les personnes pratiquant le jeûne du ramadan sont tenues pendant un mois de s’abstenir de manger et boire du lever du soleil à son coucher. Le rythme et les habitudes de repas sont donc modifiés. Deux à trois repas peuvent être réalisés lors de la rupture du jeûne, selon l’heure du coucher du soleil, plus ou moins tardive selon les années:

  • Al Ftour : à la rupture du jeûne, au coucher du soleil
  • Al Ichaa quelques heures après et avant le coucher
  • S’Hour avant le lever du soleil

Les risques pour le patient diabétique :

Le glucose est l’énergie principale de nos cellules. En cas de jeûne, le taux de sucre et d’insuline chute dans le sang, le foie va alors libérer ses réserves de sucre, stockés jusque là sous forme de glycogène. Mais ces réserves ne sont pas infinies et ne peuvent pas toujours permettre de compenser une longue période de jeûne. D’autres mécanismes se mettent alors en marche, le corps va alors puiser de l’énergie dans le tissu graisseux et les muscles.

Chez le diabétique, la production d’insuline et la réserve hépatique de glucose sont altérés, pouvant entrainer des conséquences beaucoup plus rapidement délétères en cas de jeûne prolongé.

Par ailleurs, l’alternance d’abstinence et parfois d’excès le soir, peut également fortement perturber les glycémies. Certains traitements peuvent exposer le patient au risque hypoglycémique le jour lors du jeûne. Le risque hyper glycémique est plus fréquent la nuit, du fait d’une alimentation parfois trop riche et trop sucré en soirée. Les apports alimentaires augmentent de façon spectaculaire dans un laps de temps court.

Enfin, en période de chaleur, le risque de déshydratation est non négligeable, accentué parfois par l’hyperglycémie qui peut provoquer des urines fréquentes et abondantes.

Dans quels cas le ramadan est contre indiqué ?

Il ne s’agit pas de mettre en danger les malades, ni mettre en péril leur santé.

Le Coran est parfaitement clair sur les règles concernant la dispense du ramadan, comme l’indique plusieurs versets : La Sourate II verset 183 précise :
« Si le jeûne peut altérer de manière significative la santé du jeûneur ou lorsque la personne est malade , l’Islam l’exempte du jeûne.»
Sourate II, verset 185
« Allah cherche à vous faciliter l’accomplissement de la règle, il ne cherche pas à vous la rendre difficile. »

Il est important de noter que lors d’une situation aigue passagère fragilisant le patient, la période de jeune peut être reportée ou compensée par des actions de solidarité.
Sourate II, verset 184
« Celui d’entre vous qui est malade ou qui voyage jeûnera ensuite un nombre égal de jours ».
Sourate II, verset 184
« Ceux qui pourraient jeûner et qui s’en dispensent devront, en compensation, nourrir un pauvre. »

Le ramadan est contre-indiqué aux personnes suivantes :

  • Les enfants avant la puberté et les personnes très âgées sont estimés trop fragiles
  • Les femmes enceintes
  • Les patients diabétiques déséquilibrés
  • Les patients diabétiques porteurs de complications dégénératives non contrôlées (cardio-vasculaire, micro-angiopathies)
  • En cas de maladies ou infections associées

Le ramadan est également fortement déconseillé pour les personnes exerçant un métier nécessitant une activité physique intense et soutenue.

Quelques conseils pour les diabétiques souhaitant réaliser le jeûne

  • Renforcer l’auto-surveillance glycémique, au moins deux glycémies pendant le jeûne et avant les repas. En cas d’hypoglycémie, il faut impérativement rompre le jeûne pour se resucrer (en sachant que le seuil de ressenti du malaise est souvent inférieur).
  • Limiter l’activité physique et sportive durant le jeûne, surtout en cas de forte chaleur.
  • Bien s’hydrater lors de la rupture du jeûne. Seule l’eau est indispensable. Vous pouvez également vous hydrater avec de la soupe, du thé, du café, de la tisane mais les sodas sont à éviter à cause du sucre et des bulles (qui causent des problèmes digestifs) qu’ils contiennent.
  • Equilibrer autant que possible son alimentation lors de la rupture du jeûne sans négliger les glucides complexes et les légumes.E
  • Eviter le grignotage sur la soirée, privilégier un ou deux repas si besoin. Consommer avec modération les alimentshypercaloriques et hyper glycémiques comme les pâtisseries orientales, msmen, Sfenj, fruits secs et oléagineux…

Voici quelques aliments incontournables du ramadan et conseils les concernant 

  •  La Harira est une soupe composée de glucides complexes (vermicelles, farine et légumes secs : pois chiche, lentilles). Elle contient également de la coriandre et du citron pressé qui sont une source de vitamine C (antifatigue), à ne pas négliger sur cette période. Cette soupe correspond à une part de féculents et apporte en moyenne 20 à 30 g de glucides.
  • Les dattes sont habituellement consommées au Ftour. Elles constituent une source intéressante de minéraux (magnésium, potassium, calcium) et de fibres. Deux dattes correspondent à l’équivalent d’un fruit frais.
  • Variez les féculents en mangeant de la semoule, de l’orge, des vermicelles, du boulgour, habituellement moins consommés. Certains, comme l’orge ou le boulgour, ont des index glycémiques plus bas que le riz ou les pâtes.
  • Le pain garde toute sa place pendant ce mois de jeûne. Vous pouvez le choisir complet pour limiter les problèmes de constipation. Il peut être remplacé par de la Harcha ou des Baghrir, plusieurs fois dans la semaine (en tenant compte de l’accompagnement). Les Smens (feuilletés) et les Sfenj (beignets) sont eux beaucoup plus gras.
  • Les fruits oléagineux (cacahuètes, pistaches, amandes etc.) ne sont pas à consommer tous les jours car ils sont riches en graisse et trop souvent grignotés pendant le ramadan.
  • Les pâtisseries orientales procurent du plaisir aux papilles mais sont de véritables bombes caloriques !
    • 1 makroud = 4 morceaux de sucre
    • 1 zlabia = 17 morceaux de sucre
  • Les bricks, comme d’autres aliments frits, sont à éviter si vous avez tendance à prendre du poids pendant le ramadan. Pour alléger leur préparation, vous pouvez les faire cuire au four : badigeonnez légèrement les bricks d’huile, au pinceau, puis passez-les au four et retournez-les à mi-cuisson pour les faire dorer de l’autre côté.

Adaptation du traitement

Adapter son traitement avec votre médecin, surtout en cas de traitements hypoglycémiants.

  • Les sulfamides en monoprise à longue durée d’action (Diamicron, Amarel..) sont à éviter et doivent être modifiés.
  • A l’inverse les glinides à prendre avant les repas peuvent être poursuivis.
  • La Metformine peut être maintenue.
  • Les inhibiteurs DPP4, bien que non hypoglycémiants, doivent être décalés à la prise du repas.
  • En cas d’insulinothérapie, l’insuline basale doit être poursuivie et adaptée si besoin. Les bolus ou injections d’insuline rapide seront adaptés en fonction des prises alimentaires et suspendus lors du jeûne. Il n’y a donc pas de contre indication absolue avec le jeûne chez le patient diabétique insuliné, bien équilibré, avec une bonne adaptation des doses. En revanche les insulines pré-mélangées restent difficiles à adapter dans ce contexte et sont à éviter.

Connaitre ses limites et ne pas hésiter à rompre le jeûne en cas de besoin (malaise, fatigue, déshydratation…)

Bon ramadan à tous nos patients diabétiques musulmans

Dr Radaoui Amina, Centre Hospitalier de Perpignan
Résumé d’articles parus sur la FFD