(Article mis en ligne par le Docteur Nelly MORTINIERA, Tiré de l’article publié dans le journal Diabétologie Pratique de février 2020, par Bernard Bauduceau, Lise Bordier, Jean Doucet. Service d’endocrinologie de l’hôpital de Bégin, Saint-Mandé/. Service de Médecine interne polyvalente, hôpital Saint Julien CHU Rouen.)
Introduction :
La dernière prise de position de la Société Francophone du Diabète sur la prise en charge médicamenteuse du diabète de type 2 publié en 2019 a consacré un long paragraphe aux personnes âgées diabétiques. Il s’agit de personnes de plus de 75 ans. En France un quart des patients diabétiques de type 2 ont plus de 75 ans. Pour cette population particulière, les complications du diabète vont s’associer aux problèmes spécifiques de la personne âgée telles que le troubles de la mémoire, la démence, les problèmes de dénutrition, les difficultés de mobilisation, les risques de chute….
La prise en charge du diabète dans cette population doit être adaptée à chaque patient afin d’améliorer ses soins, de lui éviter les complications sans aggraver son état initial, d’empêcher la survenue d’hypoglycémies et sans augmenter les coûts de santé.

L’évaluation gériatrique :
C’est faire l’état des lieux de la personne âgée en évaluant : son autonomie, sa mémoire, son état nutritionnel et ses conditions de vie. Ceci va permettre de classer les personnes âgées en 3 catégories qui vont orienter les objectifs glycémiques et le traitement de ces patients :
– Les personnes âgées dites « en bonne santé » : Ce sont des personnes autonomes avec parfois une maladie associée au diabète bien traitée et bien contrôlée.
– Les personnes âgées dites « fragiles » : Elles présentent en plus du diabète plusieurs autres affections, des troubles nutritionnels et des troubles de la mémoire. Elles sont susceptibles de basculer dans la 3ème catégorie à l’occasion d’un moindre souci de santé.
– Les sujets âgés dits « dépendants ou à santé très altérée » : Ils sont souvent institutionnalisés et parfois en fin de vie.

Les problèmes spécifiques aux personnes âgées :
– Les troubles de la mémoire : Ils sont fréquents en cas de diabète. Ils doivent être systématiquement dépistés par la réalisation de tests simples. Ces tests vont permettre d’anticiper les difficultés des patients âgés en termes d’observance des traitements et de risque d’hypoglycémie devenu important.
– Les syndromes dépressifs : Ils sont fréquents chez les diabétiques âgés et faire la différence entre un syndrome dépressif et un début de démence est souvent difficile à ce stade.
– La déshydratation : Elle n’est pas rare au contraire. Elle peut être responsable d’une insuffisance rénale transitoire en cas de déséquilibre du diabète.
– La dénutrition : Elle est très fréquente et nécessite d’être systématiquement dépistée.
– Les problèmes de pieds : Ils sont particulièrement redoutables chez les personnes âgées diabétiques avec un risque important d’infection.
– Les chutes : Elles peuvent avoir des conséquences graves chez le sujet âgé.
– Les hypoglycémies : Elles peuvent prendre un caractère redoutable chez le diabétique âgé. C’est pourquoi il est recommandé lorsqu’il est possible, d’utiliser chez le diabétique âgé, des médicaments qui n’entrainent pas d’hypoglycémies.

Les objectifs glycémiques des diabétiques âgés :
Ils doivent éviter 2 situations :
Traiter de manière excessive un patient grabataire, déficient mental ou traiter insuffisamment des patients diabétiques âgés en bon état général, avec une bonne espérance de vie. Ces patients seraient alors à risque de développer les complications du diabète du fait d’un traitement insuffisant. Par conséquent, les objectifs glycémiques des personnes diabétiques âgées doivent être adaptées à leurs situations cliniques :
– Chez les sujets âgés dits « en bonne santé » : Les objectifs glycémiques peuvent être les mêmes que dans l’ensemble de la population : HbA1c ≤ 7%.
– Chez les sujets âgés dits fragiles : 7% ≤ HbA1c≤ 8,5%. Surtout si ces patients sont traités par médicaments pouvant entrainer des hypoglycémies ou par insuline.
– Chez les sujets âgés dits ‘dépendants ou à santé très altérée » : 8% ≤ HbA1c ≤ 9% avec des glycémies à jeune comprises entre 1 et 2 g/l. Et pour les patients de cette catégorie traités par médicaments hypoglycémiants ou par insuline, la glycémie à jeun devra être ≥ 1,40 g/l.


Les mesures sociales et familiales :
C’est l’objectif majeur de la prise en charge des patients diabétiques âgés. L’évaluation du degré d’autonomie, de la dénutrition et de l’état mental va permettre d’ajuster au mieux la prise en charge de ces patients en y intégrant la notion d’aidants, avec la mise en place d’infirmières, d’aides-soignantes, de livraison de repas, de téléassistance et dans les situations les plus sévères ; d’hospitalisation à domicile, pour optimiser la qualité des soins administrés à ces patients.

Les particularités du traitement de la personne âgée diabétique :
Elles résultent à obtenir les objectifs glycémiques selon la catégorie de patients, à prendre en charge les complications du diabète et les maladies associées tout en adaptant le traitement aux possibilités sociales et familiales des ces patients.
– Les moyens non médicamenteux : Au niveau alimentaire, il est important de lutter contre la dénutrition. L’activité physique doit être maintenue et sera adaptée aux possibilités physiques de chaque patient diabétique âgé. La marche régulière reste un pilier de cette prise en charge.

– Les médicaments autres que l’insuline :
o La metformine reste le médicament de première intention sauf en cas de contre-indication ou de mauvaise tolérance. Dans ce cas le choix sera porté sur les Gliptines en particulier chez le sujet âgé dit « fragile » car il n’existe que très pu de risque d’hypoglycémie avec cette catégorie de médicaments.
o Les médicaments comme le Glimépiride, le Gliclazide ou les Glinides qui peuvent entrainer des hypoglycémies seront plutôt prescrits chez les patients diabétiques âgés dits ‘en bonne santé » avec un risque hypoglycémique modéré. Il leur sera prescrit un lecteur de glycémie pour réaliser une auto-surveillance glycémique nécessaire dans ce contexte.
o Les analogues du GLP1qui sont normalement limités après 75 ans seront de préférence réservés aux patients diabétiques âgés dits ‘en bonne santé » chez lesquels on recherche une protection cardio-vasculaire.
o Les inhibiteurs des SGLT2 sont eux aussi limités après 75 ans en raison de leurs effets secondaires. S’il était nécessaire, leur prescription serait réservée aux patients diabétiques âgés dits « en bonne santé » en vue d’une protection cardio-rénale.

– Le traitement par insuline : Il s’avère très souvent nécessaire chez les personnes diabétiques âgées soit de façon temporaire soit de manière définitive. Le choix sera alors porté vers une insuline d’action lente dans un premier temps avec la possibilité de l’associer aux traitements du diabète en comprimés. Puis en cas d’échec on peut être amené à intensifier le traitement vers des schémas de plus en plus élaborés.




Conclusion :
Cette actualisation de la prise de position de la Société Francophone du Diabète apporte des précisions utiles pour la prise en charge des patients diabétiques âgés. Le nombre très important de ces personnes âgées ou très âgées ne peut qu’inciter les médecins concernés à mieux prendre en compte le patient diabétique âgé dans sa globalité en tenant compte des problèmes de mémoire qu’il peut présenter, des objectifs glycémiques à atteindre tout en limitant le risque d’hypoglycémie.

An elderly couple in the fireplace Christmas