(Article mis en ligne par le Docteur Nelly MORTINIERA, tiré de la revue Diabétologie Pratique et publiée en avril 2013 par B. Bauduceau, Professeur du Val-de-Grâce, Paris).

Introduction :
La crainte des hypoglycémies chez les patients diabétiques âgés, ne favorise pas leur prise en charge optimale. En effet, cette crainte explique souvent le retard à l’initiation de l’insuline chez ces patients. Il existe chez les sujets âgés des relations étroites entre hypoglycémies et pertes des fonctions cognitives.
– Définition et présentation clinique de l’hypoglycémie :
Les hypoglycémies se définissent par une glycémie < 0,60 g/l. Les hypoglycémies dîtes « sévères » nécessitent le recours à une tierce personne pour leur prise en charge. Si des symptômes évocateurs d’hypoglycémie peuvent signaler leur survenue ; de nombreuses hypoglycémies ne sont pas ressenties en particulier la nuit. Les hypoglycémies, peuvent enfin, se manifester par des symptômes atypiques prenant l’allure de troubles du comportement ou d’une agressivité qui peut conduire à prescrire chez les diabétiques âgés des traitements sédatifs inadaptés. La fréquence des hypoglycémies varie selon : le type de diabète, les objectifs glycémiques fixés, et le traitement utilisé.

Dans l’étude ENTRED, 10% des diabétiques âgés interrogés, ont rapporté avoir déjà présenté au moins un épisode d’hypoglycémie sévère. Les hypoglycémies induites par l’insuline étaient plus fréquentes que celles liées au traitement par Sulfamides hypoglycémiants, qui eux sont souvent responsables d’hypoglycémies plus graves en raison de la prolongation de la demi-vie de ces médicaments en cas d’insuffisance rénale, présente chez grand nombre de patients diabétiques âgés.

Les hypoglycémies altèrent les fonctions cognitives des diabétiques âgés :
Très peu d’études existent sur les conséquences cognitives des hypoglycémies chez le sujet âgé, ceci parce que les diabétologues n’ont pas encore l’habitude d’évaluer systématiquement les fonctions cognitives de leurs malades âgés. Les conséquences des hypoglycémies vont varier selon le type de diabète, ses complications, le traitement initié mais également en fonction de l’état de santé du patient. Ainsi, les patients diabétiques âgés sont particulièrement exposés aux conséquences de l’hypoglycémie en raison de la grande fragilité de leurs structures cérébrales.
Dans l’étude de la Framantle Diabetes Study réalisée récemment, étude portant sur 302 diabétiques âgés de plus de 70 ans, le risque de survenue d’une démence était augmenté de 26% chez les diabétiques âgés ayant présenté un épisode grave d’hypoglycémie, de 80% pour 2 épisodes graves d’hypoglycémies et de 94% pour ≥ 3 hypoglycémies graves. En revanche, les conséquences des hypoglycémies mineures sur les fonctions cognitives ne sont pas encore connues et font l’objet de nombreux débats.

L’existence d’un déficit cognitif favorise les accidents hypoglycémiques :
La reconnaissance des signes cliniques de l’hypoglycémie est difficile chez les malades présentant une démence. Une agitation, la majoration de la confusion préexistante ou l’apparition d’autres troubles du comportement peuvent être rattachés à la démence et conduire à la prescription de traitement à visé sédatif inapproprié, c’est pourquoi un taux d’HbA1c bas doit faire suspecter l’existence d’épisodes d’hypoglycémies passés inaperçus. La démence constitue par elle-même un facteur de risque important dans la survenue d’hypoglycémies sévères en raison du caractère aléatoire de l’alimentation et de l’observance du traitement.

Conclusion :
Les hypoglycémies sévères retentissent sur le fonctionnement cérébral qui dépend fortement du taux de glucose circulant dans le sang. Mais il existe un véritable cercle vicieux entre troubles cognitifs et hypoglycémies. Chacun favorise la survenue ou l’aggravation de l’autre. Les conséquences cérébrales qui pourraient résulter d’hypoglycémies mineures sont encore mal connues, toutefois, le risque d’hypoglycémie ne doit pas être un obstacle à l’optimisation de l’équilibre glycémique des patients diabétiques âgés dits en bonne santé. Des études spécifiques sur les liens entre hypoglycémie et troubles cognitifs chez le diabétique âgé méritent d’être réalisées, ceci en raison du vieillissement de la population et de la prévalence croissante du diabète et des démences.