Bien que peu étudié, le diabète cortico-induit est fréquemment diagnostiqué en clinique. Depuis quelques années, la recherche permet de mieux appréhender les mécanismes moléculaires sous-jacents aux différents effets des corticoïdes et ainsi de mieux connaître la physiopathologie et les facteurs prédictifs du diabète cortico-induit. Actuellement, en vue d’éviter des complications à court et long termes, l’insulinothérapie semble être le traitement de choix.

Les glucocorticoïdes (GC) sont utilisés pour leur propriété anti-inflammatoire, et à dose plus élevée, pour leurs propriétés anti-allergiques et immunosuppressive, en cure courte comme en cure longue. Ils comptent parmi les médicaments les plus prescrits. Certaines études laisseraient supposer que 0.5 % de la population générale en bénéficie un jour ou l’autre…

INTRODUCTION

Depuis leur découverte dans les années 1940, les glucocorticoïdes (GC) font partie des traitements les plus utilisés pour contrôler les maladies inflammatoires ou auto-immunes. Cependant, leurs effets secondaires métaboliques sont non négligeables, particulièrement sur le métabolisme glucidique.

Le diabète cortico-induit est une identité fréquemment retrouvée en clinique. Ses mécanismes physiopathologiques sont multiples, de l’augmentation de la néoglucogenèse hépatique à l’insulinorésistance périphérique ou à l’effet toxique direct sur la cellule β.

Dans le diabète cortico-induit, ce sont essentiellement les glycémies postprandiales qui s’élèvent ; de nombreux cas peuvent être sous-diagnostiqués si le dépistage ne s’effectue que sur une glycémie à jeun. Il est conseillé de la mesurer à jeun et deux heures après les repas chez tout patient recevant une corticothérapie. Les critères diagnostiques du diabète cortico-induit sont les mêmes que ceux utilisés pour le diabète en général, à la différence qu’ils comprennent une exposition aux GC avec une hémoglobine glyquée normale au préalable.

MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES DU DIABÈTE CORTICO-INDUIT

Le diabète cortico-induit s’explique par de multiples mécanismes : une néoglucogenèse hépatique augmentée, une protéolyse et une lipolyse, une insulinorésistance périphérique, une atteinte de la cellule β du pancréas et des effets synergiques des corticoïdes avec les hormones de stress (glucagon et adrénaline)

SURVEILLANCE DE LA GLYCÉMIE LES JOURS APRÈS INTRODUCTION DE LA CORTICOTHÉRAPIE

En cas de diabète connu, l’autosurveillance glycémique digitale facilitera cette surveillance. On prêtera une attention particulière à la glycémie de 17 h, qui risque de s’élever de façon caractéristique lors des prises matinales de glucocorticoïdes, contrastant avec la chronobiologie du diabète de type 2 où elle est classiquement peu élevée (glycé- mie “de sécurité”). Si le sujet n’est pas diabétique, il peut quand même développer un diabète cortico-induit, qui nécessite de vérifier la glycémie quelques jours après l’initiation de la corticothérapie. La glycémie digitale mesurée à 17  h après la première prise matinale du corticoïde constitue déjà une indication intéressante

QUELLE IMPORTANCE DE PRÉVENIR OU TRAITER UN DIABÈTE CORTICO-INDUIT ?

Plusieurs cas de comas acidocétosique ou hyperosmolaire liés à une corticothérapie sont relevés dans la littérature. Les conséquences à long terme d’un diabète sont bien connues, notamment en ce qui concerne le risque infectieux ou microvasculaire.

L’existence d’un diabète n’est plus une contre-indication à la corticothérapie. Elle nécessite par contre l’instauration d’une autosurveillance chez les patients qui n’en pratiquent pas ou son renforcement afin de juger si des modifications thérapeutiques sont nécessaires :

  • Introduction d’une insulinothérapie temporaire selon des schémas insuliniques prescrit par le médecin en cas de déséquilibre glycémique si le patient est traité par hypoglycémiants oraux
  • Majoration surtout de l’insulinothérapie destinée à couvrir les repas (analogues rapides ou bolus si pompe) si le patient était déjà insulinotraité.

Le traitement sera revu à chaque palier de décroissance de la corticothérapie.

LES TRAITEMENTS PROPOSÉS DU DIABÈTE CORTICO-INDUIT

Ni les mesures diététiques, ni la réduction de la sédentarité, toutes deux proposées en prévention primaire, ne sont à ce jour validées par la littérature.

Les antidiabétiques oraux (ADO), tels que les sulfonylurées, la metformine ou les thiazolidinediones ont été suggérés comme traitement, bien que souvent insuffisants pour obtenir un contrôle glycémique satisfaisant. De plus, le patient nécessitant une corticothérapie présente fréquemment des contre-indications aux ADO ; l’étroite marge thérapeutique des sulfonylurées, couplée à une longue latence d’action des thiazolidinediones écartent souvent ces traitements lors d’un diabète cortico-induit.

La plupart des patients nécessiteraient ainsi une insulinothérapie avec une surveillance glycémique et un ajustement régulier. Les glycémies postprandiales s’élèvent dans le diabète cortico-induit, ce qui correspond au profil pharmacodynamique des GC avec une insulinorésistance augmentant pendant la journée.

CONCLUSION

Les effets bénéfiques des glucocorticoïdes sont parfois balancés par des effets délétères non négligeables comme le diabète cortico-induit. Les critères diagnostiques et les objectifs thérapeutiques seraient proches de ceux du diabète de type 2, mais la prise en charge du diabète cortico-induit reste disparate par l’absence de recommandations consensuelles

L’évaluation de protocoles simplifiés, plus accessibles au patient, permettrait d’améliorer l’efficacité et l’adhérence thérapeutiques.

En général, l’hyperglycémie est réversible à l’arrêt du GC. Le diabète cortico-induit peut être une manifestation clinique du syndrome de Cushing, complication sévère des corticothérapies intensives entraînant un hypercorticisme. Les corticothérapies constituent la cause la plus fréquente de diabète iatrogène. L’apparition d’un diabète lors d’un traitement corticoïde ou le déséquilibre d’un diabète préexistant sont des situations auxquelles on assiste fréquemment en clinique. Pourtant la fréquence du diabète cortico-induit reste mal connue

Comme le soulignent les Recommandations de l’afssaps-HAS concernant le traitement du diabète de type 2, « les corticoïdes ont un effet hyperglycémiant dose-dépendant, réversible et transitoire, qu’ils soient administrés par voie orale, intraveineuse, intramusculaire ou intraarticulaire ». Les services d’Urgences et de Diabétologie accueillent d’ailleurs fréquemment des patients présentant une hyperglycémie majeure voire un coma hyperosmolaire alors qu’ils sont traités depuis peu par corticoïdes pour une pathologie aiguë.

Sources :
https://www.revmed.ch/RMS/2012/RMS-336/Diabete-cortico-induit
https://rhumatos.fr/wp-content/uploads/2018/05/RH134_P121A125_COR.pdf
Diabète et corticoïdes. Dr Florence LABROUSSE-LHERMINE Service de Diabétologie-Maladies Métaboliques et Nutrition CHU Rangueil.
https://rhumatos.fr/
Annales d’Endocrinologie Volume 75, Issues 5–6, October 2014, Page 399