(Mis en ligne par le Dr Amina Radaoui, service d’endocrinologie, CH Perpignan, résumé de la présentation de Mme FANI ANAGNOSTOU et Mr Vincent BLASCO-BAQUE au Congrès de la SFD 2022)

 

 

La cavité buccale n’est pas épargnée par les complications du diabète. Plusieurs pathologies bucco-dentaires touchent fréquemment nos patients diabétiques tels que les troubles salivaires, la carie dentaire, les troubles neuro sensorielle, la xérostomie (la sécheresse buccale). La parodontopathie est sans doute l’une des plus fréquentes, sa relation avec le diabète est bidirectionnelle et explosive. Nous allons nous y pencher plus en détails dans cet article. Pour commencer, quelques mots sur les autres atteintes buccales fréquentes chez le patient diabétique :

  • La xérostomie :

Elle touche 34% des patients diabétiques. Il s’agit de la sécheresse buccale, liée à une altération de la quantité et de la qualité de la salive. La salive a un rôle tampon contre l’acidification du PH buccal par l’alimentation. Son altération expose le patient au risque de carie, de gingivite et de lésion ulcéreuse. Les causes les plus fréquentes de son altération sont : l’hyperglycémie, certains médicaments hypoglycémiants, la neuropathie et un flux salivaire diminué.

  • Les affections neurosensorielles :

Les patients rapportent des paresthésies, une dysgueusie, ou une glossodynie avec sensation de brulures, de fourmillements ou de douleur à la bouche qui impactent leur qualité de vie. Les mécanismes physiopathologiques sont complexes, avec une part probable liée à la neuropathie et aux troubles psychogènes. 

  • Les affections de muqueuses : 

Les candidoses et les chéilites angulaires sont très fréquentes chez le diabétique, favorisées par le déséquilibre glycémique.

  • La maladie carieuse :

La carie est une destruction localisée des tissus dentaires par l’acide issue de la fermentation bactérienne des glucides alimentaires. Elle touche 67% des enfants et adolescents diabétiques. L’intérêt du dépistage et de la prévention sont majeurs limiter la maladie carieuse.

  • Perte de dent : 

Le risque de perte de dent est plus élevé chez le patient diabétique avec un risque relatif augmenté à 1,63. Ce risque est majoré par le déséquilibre glycémique.

  • Les parodontopathies :

Les parodontopathies sont très fréquentes chez le patient diabétique, elles font l’objet de nombreuses études ces dernières années, avec plus de 400 publications d’articles par an, tant leurs liens et impact sur le diabète est important. Elles touchent 8 patients diabétiques sur 10, et évoluent à bas bruit : les douleurs sont rares, les saignements sont plus fréquents, mais rarement considérés par le patient. Les conséquences peuvent parois être graves : dans 75% des cas, en l’absence de traitement, la parodontopathie mène à la perte de dent avec une nette diminution de la qualité de vie du patient. Elle représente 10% des frais médicaux de ces patients. 

  • Cause : les parodontopathies sont dues à la plaque dentaire composée d’un biofilm dysbiotique. Le biofilm naturel est altéré et devient dysbiotique avec un PH acidifié du fait d’un mauvais brossage de dent, de l’hyperglycémie, d’une nutrition inadaptée, de médicaments ou d’hormones sexuels… 3 jours de brossage correct des dents suffiraient à supprimer cette plaque dysbiotique. En dehors d’une fluctuation du PH, on retrouve dans ce biofilm altéré une augmentation des germes bacilles gram négatifs chez les patients diabétiques, alors que le microbiote naturel est généralement composé de bacilles gram positifs. Il existe donc une rupture de l’eubiose entrainant une atmosphère pro-inflammatoire.
  • On distingue deux grandes catégories : 
  • La gingivite : il s’agit d’une inflammation chronique de la gencive sans atteinte de l’os alvéolaire

La parodontite : est lié à la formation d’une poche inflammatoire sous gingivale provoquant la destruction du parodonte (tissus qui entourent et protège la dent dans l’alvéole, constitué de la gencive, du ligament et de l’os) et qui aboutit à la perte osseuse, au décollement de la gencive et une perte d’attache entrainant une mobilité dentaire pouvant aller jusqu’à la perte dentaire.

 

  • Les signes cliniques : Les patients souffrant de parodontopathies présentent une gencive inflammatoire rouge, augmentée de volume, lisse et molle, provoquant parfois des douleurs, des saignements, une altération du goût et des difficultés à s’alimenter.

  • Facteurs de risque et profil du patient atteint :
    • Patient âgé de plus 40 ans
    • Antécédent familial
    • Tabagisme actif
    • Susceptibilité dentaire
    • Stress, prise d’anxiolytique
  • Évolution :

Toute gingivite n’évolue pas systématiquement vers la parodontite, un brossage correct, un détartrage adapté et un sevrage tabagique peuvent suffire à la guérison de celle-ci.

À l’inverse, la parodontopathie est une maladie inflammatoire chronique plus complexe, qui implique la libération de cytokines et de métalloprotéines, entrainant la destruction locale du parodonte (gencive, ligament et os). Une classification de sa sévérité est réalisée en fonction du pourcentage de perte osseuse, allant dune atteinte débutante (moins de 10% de perte osseuse) à sévère (avec plus de 50% de perte osseuse), voir très sévère avec perte de denture, complexe à restaurer. 

Les patients diabétiques ont un risque relatif majoré de présenter une parodontopathie de 2,8 à 3,4  par apport à la population générale, avec des atteintes beaucoup plus sévères et étendus. La sévérité de l’inflammation et de la perte osseuse sont également liées à l’hyperglycémie. Ceci s’explique par trois phénomènes aggravants chez le patient diabétique, que sont : la xérostomie, les perturbations des réactions inflammatoires avec un risque infectieux augmenté et l’angiopathie provoquant une anoxie. Tous ces phénomènes plus fréquents chez le patient diabétique contribuent à l’évolution péjorative de la parodontopathie chez le patient diabétique.

Par ailleurs, depuis les années 1990 et la réalisation de nombreuses études, nous savons que les parodontopathies sont responsables d’une inflammation également systémique avec un