Depuis le siècle dernier, l’état de santé de la population française s’améliore. Cependant, il existe de grandes inégalités entre les différentes catégories socioprofessionnelles. En effet, le diabète touche environ 5% de la population française mais si on regarde plus précisément chez les personnes en situation de grande précarité, ce chiffre s’élève à 6.2%. Le diabète de type 2 serait même 3 à 8 fois plus fréquent chez eux.

Mais quand on parle de précarité, de quoi parle-t-on ?

Toute personne vivant seule avec des de revenus inférieurs à 867 euros mensuel vit actuellement sous le seuil de pauvreté et est donc qualifiée de personne précaire.
Mais contrairement aux idées reçues, la précarité touche de plus en plus des catégories de personnes comme les retraités, certains salariés à temps partiels ou employés en CDD, des familles monoparentales…
En France cela concernerait 8.6 millions de personnes soit 14% de la population.

Quelles sont les conséquences de la précarité pour les personnes diabétiques ?

– L’alimentation

Les dépenses liées à l’alimentation peuvent représenter le tiers voire la moitié du budget mensuel des personnes en situation de précarité (contre 15% pour les plus aisés). Or on sait que les plus démunis vont choisir les denrées alimentaires en fonction de leur prix plutôt que de leur intérêt nutritionnel. Par exemple, seuls 6,5% des personnes précaires déclarent consommer des fruits et légumes cinq fois par jour ou plus. Cela conduit à des situations de malnutrition voire de dénutrition.
C’est l’une des raisons qui explique que le pourcentage de personnes obèses en situation de précarité est deux fois supérieur à celui de la population générale. Or, on connait le lien entre l’obésité et le risque de développement d’un diabète de type 2.
Outre le côté qualitatif de l’alimentation, le côté quantitatif joue également. En effet, certaines personnes ne peuvent pas s’assurer 3 repas par jour. On parle alors d’insécurité alimentaire. Des études ont démontré que celle-ci fait plus que doubler le risque de développer le diabète de type 2 même après la maîtrise des autres facteurs comme le tabagisme et l’obésité.
On sait aussi que les patients traités par comprimés hypoglycémiants (diamicron ou amarel par exemple) sont plus à risque de faire des hypoglycémies (51.5% d’entre eux font des hypoglycémies fréquemment contre 26.7% dans la population générale).

– L’accès aux soins

En France, 4 millions de personnes n’ont pas de complémentaire santé et 1 français sur 5 dit renoncer aux soins pour des raisons financières. 54% des diabétiques ayant des difficultés financières, y renoncent.
Mais malgré la CMU (couverture maladie universelle) et la prise en charge à 100% des soins relevant du diabète (dans le cadre des affections à longue durée) le « reste à charge » pour les patients est évalué à 660 euros par an. Il peut s’agir de soins dentaires ou optiques, de pansements particuliers nécessaires aux soins des plaies de pieds, de dépassements d’honoraires chez les médecins spécialistes…
Chez les personnes d’origine étrangère les plus précaires, l’accès aux soins est encore plus compliqué du fait de la barrière de la langue.
Or cet accès aux soins est primordial afin d’éviter le risque de complications.

– Les complications du diabète

Chez les personnes en situation de précarité, la médecine préventive n’est pas la priorité. Elles se font moins souvent dépister et fréquemment, le diabète est découvert au stade de complication.
Chez les personnes en très grande précarité, la maladie devient un problème secondaire derrière le besoin de se nourrir, de régler ses problèmes financiers… Par conséquents, elles vont moins se faire suivre par les spécialistes (endocrinologue, cardiologue, ophtalmologues…) et ont plus de risque d’être inobservant de leur traitement.
De plus, cette catégorie de patient semble avoir un risque podologique plus élevé avec un risque plus accru de faire des plaies de pieds. Le taux d’amputation y est plus important que dans la population générale.

Cas particulier du SDF

Le diabète étant une maladie la plupart du temps silencieuse, les SDF ne voient pas l’utilité de « perdre du temps » dans les hôpitaux, leurs priorités étant plutôt de se nourrir, de faire la manche, de trouver un endroit pour dormir sans perdre leur liberté.
Chez les SDF, on peut observer, en plus des problèmes relevés précédemment, un désinvestissement du corps et de soi. C’est-à-dire d’ils n’écoutent plus leurs sensations corporelles et donc ne s’inquiètent pas ou peu de l’apparition de complications (baisse de la vision, de la sensibilité, plaies de pieds…). Ils ne se projettent pas dans l’avenir et donc ne peuvent pas anticiper le moment où la maladie deviendra vraiment handicapante pour leur vie quotidienne. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’ils pourront accepter de se soigner.
Beaucoup d’entre eux souffrent d’addictions qui sont également un frein au recours aux soins (interdiction de fumer dans les hôpitaux, impossibilité de se procurer de la drogue ou de l’alcool).
De plus, l’hôpital est souvent considéré comme une prison dans les représentations des SDF et qui s’y sentent parfois humiliés.

Existe-t-il des solutions ?

Les aides financières

La première des solutions relève du volet social. Il faut accompagner les patients dans leurs démarches d’obtention de la CMU, de la CMU complémentaire ou de l’AME (Aide Médicale de l’Etat qui permet aux étrangers en situation irrégulière vivant en France depuis plus de 3 mois, de bénéficier d’un accès aux soins.). Il existe également une aide pour les demandeurs d’asile : la PUMA (Protection Universelle Maladie) qui leur offre une couverture maladie.

Les permanences d’accès aux soins de santé (PASS)

Ce sont des lieux d’écoute, d’accueil, d’orientation et d’accompagnement médico-psycho-social pour les personnes sans couverture sociale. On les trouve dans les hôpitaux.

 

 

Elles sont composées :
– de travailleurs sociaux qui aident les patients dans leurs démarches administratives
– de médecins qui assurent des consultations et une coordination des soins avec des spécialistes
– de dentistes, infirmiers, psychologue …
Ces structures délivrent également les médicaments, insulines et les dispositifs médicaux (bandelettes et lancettes nécessaires pour réaliser les glycémies capillaires).

Les banques alimentaires

Bien que toutes les personnes touchées par l’insécurité alimentaire n’aient pas recours aux banques alimentaires, celles-ci offrent une option importante pour ceux qui ont un besoin immédiat. Cependant, on remarque que la proportion en aliments frais ou considéré comme sains reste minoritaire. En effet, les banques alimentaires fonctionnent sur le principe du don et ce sont plutôt des produits transformés qui sont privilégiés au détriment des fruits et légumes frais (le plus souvent par soucis de conservation). De nos jours, elles font de plus en plus d’effort pour proposer des paniers alimentaires équilibrés.

 

Adaptation du traitement

La Direction générale de la santé (DGS) et plusieurs associations dont l’Association Française des Diabétiques (AFD) ont publié en octobre 2007 des recommandations pour la prise en charge du diabète chez les personnes en grande précarité. Le but étant d’aider les professionnels de santé à adapter les traitements du diabète à cette typologie de patient, en tenant compte de leur situation sociale et médicale.
Ils recommandent
– de privilégier les traitements non hypoglycémiants pour les diabétiques de type 2 n’étant pas en capacité de s’assurer 3 repas par j (afin de limiter le risque d’hypoglycémie)
– de maintenir les insulines de type lente (qui sont compatibles avec les prises anarchique de repas)
– d’éduquer les patients à l’adaptation des insulines rapides en fonction de leur repas (heure, quantités de glucide)
– L’éducation les patients à la reconnaissance des signes de l’hypoglycémie et à la conduite à tenir
– D’informer les patients de l’interférence possible de certains toxiques (alcool, cannabis) avec le diabète

Conclusion

En France, malgré les apparences, la précarité est malheureusement fréquente. Celle-ci majore grandement les difficultés de prise en charge du diabète et accroit les risques de complications de la maladie. Il est évident que les priorités de ces patients précaires sont différentes et que ce sont leurs besoins de base qui priment sur le traitement d’une maladie qui est de plus silencieuse.
Des aides médico-sociales existent mais ne répondent pas à toutes les demandes (comment bénéficier d’une IDE libérale pour la réalisation des injections d’insuline lorsqu’on vit dans la rue et qu’on n’a pas d’adresse ? par exemple).
Il est également important que les soignants s’adaptent à cette typologie de patients et à leur situation si particulière.