Article proposé par le Dr RADAOUI Amina, service d’Endocrinologie Perpignan
Résumé d’article « Les viandes rouges et transformées : consommation en question ? », par Louis MONNIER, Jean-Louis SCHLIENGER, Institut universitaire de recherche clinique, Université de Montpellier, Faculté de médecine de Strasbourg, paru dans diabétologie pratique

Rappel des bases :
Les sources de protéines sont diverses. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les premières sources de protéines dans notre alimentation sont d’origine végétale, essentiellement fournies par les céréales (blé, riz..), les légumineuses (lentilles, haricots, pois chiches…) et les graines. Les protéines d’origine animale ne sont que la seconde source, qu’ils s’agissent des viandes rouges ou blanches, du poisson, des produits laitiers ou des œufs.

Mais les protéines animales ont l’avantage d’avoir une valeur biologique (rapport entre l’azote ingéré et l’azote fixé) s’élevant à 75% et jusqu’à 95% pour les produits laitiers et les œufs, bien supérieure aux valeurs biologiques des protéines végétales beaucoup plus faibles à 65%. La teneur en protéines est également plus élevée dans les protéines d’origine animale, généralement autour de 20% pour les viandes ou le poisson versus 10% pour le pain ou les légumineuses après cuisson, elle tombe à < 3% pour les pâtes et le riz après cuisson. Dans la mesure où 100g de viande (portion classique) apportent 20 g de protéines, alors qu’il faut consommer 600g de féculents pour obtenir le même apport, il est très difficile d’atteindre l’objectif d’apport protéiné recommandé d’1g/kg/j dans un régime purement végétalien. Que disent les recommandations : Selon les recommandations, pour un régime équilibré, la répartition d’apport protéiné devrait correspondre à 1/3 de protéines végétales, 1/3 de viande rouge ou blanche et 1/3 par les autres aliments (œufs, produits laitiers, poissons…). Les recommandations américaines pour la période 2015-2020 recommandent une consommation de viandes rouges comprise entre 500 et 700 g par semaine, soit 4 à 5 portions par semaine de 125 g. Ces recommandations sont comparables à celles du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) qui préconisent une limitation de la consommation de viandes rouges, du fait d’un effet délétère de celles-ci, notamment dans la survenue de cancers coliques ou d’événements cardio-vasculaires. Remise en question des recommandations :
Certains préconisent pourtant des réductions encore plus drastiques jusqu’à l’exclusion des viandes. Ces positions sont elles justifiées? Plusieurs études sérieuses récentes se sont penchées sur la question et ont tenté d’apporter des éclaircissements sur la relation entre consommation de viande et santé.
Une première étude, Women’s Health Initiative Trial, a inclu 48 835 femmes ménopausées comparant les personnes ayant une alimentation standard à celles qui avaient réduit leur consommation de viande rouge. Les résultats ne montrent aucune réduction significative du risque de mortalité globale ou de décès par accident cardio-vasculaire ou cancer.
Une méta-analyse constituée d’études de cohortes suivies sur une durée allant de 9 à 28 ans, comparant plusieurs centaines de milliers de personnes selon leur consommation de viande rouge ou blanche, transformées (par fumage, séchage, salaison, ou addition de conservateurs dont font partie la charcuterie) ou non. Les investigateurs enregistraient les décès quelle qu’en soit la cause, la survenue d’évènements cardio-vasculaires et de diabète entre des groupes ayant une consommation standard et un autre ayant une consommation réduite (soit 3 portions par semaine). Les résultats sont légèrement significatifs dans la réduction du risque de décès chez les personnes ayant une consommation réduite de viande. Mais ces résultats n’ont pas été considérés valables par les investigateurs eux-mêmes du fait de l’hétérogénéité très élevée des groupes, ne permettant pas d’explorer les mêmes effets.
Il n’existe donc pas à ce jour d’étude permettant de prouver que la consommation de viande portée à un niveau très inférieur à celui conseillé par les recommandations apporte un bénéfice substantiel. Par ailleurs, comme nous l’avons évoqué précédemment, du fait des difficultés à couvrir les besoins protéiques journaliers sans protéines animales, des régimes restrictifs excluant les viandes peuvent exposer à des effets délétères comme des carences protéiques.
Et l’impact environnemental dans tout ça ?
La production et la consommation de viande fait débat dans la cause environnementale depuis plusieurs années. Les estimations de consommation de viande sont de plus en plus importantes dans les pays à PIB élevé où elle se situe entre 60 à 91 g/j. Au niveau mondial, la consommation ne cesse d’augmenter pour atteindre 400 millions de tonnes en 2010. Cette augmentation se traduit par une intensification de l’élevage du bétail nourrit principalement par des produits céréaliers et au soja. L’extension des pâturages et des champs se fait aux dépends d’une déforestation progressive. A cela il faut ajouter l’augmentation des besoins en hydrocarbures nécessaires au fonctionnement des véhicules et engins d’exploitation.
L’augmentation de production de gaz carbonique, et la réduction de son élimination du fait de la déforestation, conduisent à l’augmentation du taux de CO2 de l’atmosphère avec pour conséquence un effet de serre et un réchauffement climatique de plus en plus préoccupant. L’effet de serre est également aggravé par d’autres gaz liés à cette surproduction, dont le méthane (CH4) produit directement par les animaux, et l’oxyde nitreux (N2O) qui dérive des engrais ou de la décomposition des excréments des animaux ou des résidus végétaux.

Deux autres conséquences supplémentaires à l’élevage intensif : la surconsommation d’eau (il faut environ 10 tonnes d’eau pour produire 1 kg de viande), et de protéines végétales (3 à 20 kg de protéines végétales sont nécessaires pour produire 1kg de protéines animales selon l’espèce animale). Ces chiffres sont discutables, en ce qui concerne l’eau, certains estiment ces besoins surestimés selon les référentiels utilisés puisque l’eau dite verte, soit l’eau de pluie, représente 95% de l’eau totale utilisée dans l’élevage. Dans ces conditions l’eau dite bleue, nécessaire à la boisson des animaux ne serait que de 500 litres nécessaires pour la production d’1 kg de viande. En ce qui concerne les protéines végétales utilisées, toute réduction de consommation de protéines animales entrainerait quoi qu’il en soit une augmentation directe de la consommation de protéines végétales.

Conclusion : quelles recommandations retenir ?
La position extrémiste des régimes sans viande reste absurde si on souhaite conserver un apport protidique suffisant avec des protéines à haute valeur biologique comme les protéines animales. Les recommandations nutritionnelles actuelles, 4 à 5 portions de viandes de 125 g par semaine (soit 500 à 700g/semaine), restent donc les plus raisonnables, fondées sur des bases scientifiques sérieuses en terme de santé.
En revanche le problème pour lequel nous n’avons pas de réponse complète est celui des conséquences de la production de viande sur l’environnement. Les plus pessimistes diront que nous nous préparons à un avenir sombre. Dans ce domaine, il est probable que la modération soit préconisée, en espérant que les recommandations de santé et les préoccupations environnementales finissent par converger.