La rupture thérapeutique chez le patient diabétique : acte de délivrance ou signal de détresse ?

La rupture thérapeutique. Voilà un thème central, commun et intime à la fois, au cœur du sujet et du soin, et pourtant peu abordé…

Lorsque l’on se renseigne, il existe des articles et des ouvrages mais ils parlent surtout de l’observance thérapeutique à savoir la capacité du patient à suivre les instructions médicales, à respecter son traitement et son suivi, en somme à être en adéquation avec sa maladie. Hors le diabète nous interroge, en tant que maladie chronique, permanente et évolutive, sur l’acceptation même de la maladie.

Abordée souvent comme un incident, un accident de parcours, un dysfonctionnement, la rupture thérapeutique est vue comme un défaut à corriger, un problème à régler. Mais que veut-elle dire ? Au sens propre il s’agit de l’interruption, qu’il s’agisse du traitement médicamenteux ou bien du suivi. Dans le dictionnaire, le mot « rupture » est défini comme la cassure, la cessation brusque de ce qui durait. Pourrait-on le voir comme la fin d’un équilibre ou au contraire l’expression d’un déséquilibre ?

De nombreux patients « chroniques » comme les patients diabétiques s’y trouvent confrontés. Ils expriment la perte voire l’absence de repère, ne comprennent pas ou plus la logique de leur diabète et peinent à rester acteurs d’un scénario qui leur échappe. Au niveau émotionnel : lassitude, tristesse, colère, frustration, injustice, punition, révolte sont énoncés comme autant de sentiments douloureux face à une maladie qui ne dit pas vraiment son nom. Pas de symptôme ou si peu, les signes physiques manquent et laissent le patient seul face au diagnostic, souvent source d’angoisse et d’incompréhension, face à un traitement parfois vécu comme opaque et contraignant. Le patient peut se sentir très seul face à une maladie qu’il faudrait maitriser sans même la ressentir !

Faute d’une annonce cohérente, explicite, adaptée au temps psychique de chacun, faute parfois de ressources individuelles, sociales et psychologiques suffisantes pour l’appréhender, la rupture semble intervenir comme un message désespéré… Derrière la rupture thérapeutique il n’est pas rare de constater un équilibre personnel rompu, celui d’une vie bousculée, de projets contrariés, d’une liste de problèmes auxquels le diabète vient s’ajouter…

La rupture thérapeutique nous interpelle sur l’enjeu du diabète. Comment intégrer cette réalité nouvelle sans disparaitre derrière elle ? Comment faire le deuil de la bonne santé sans renoncer à vivre tout ce qui reste possible? Face à elle l’alliance thérapeutique peut être une réponse.

Accorder au patient diabétique l’espace pour dire, sans culpabilité, ce moment où tout a lâché, c’est l’aider à aborder le diabète dans toute sa difficulté. C’est peut-être mieux comprendre avec lui ce qui l’y a poussé ? L’alliance thérapeutique est une perspective de plus en plus utile face à la maladie chronique. C’est la construction d’un lien de confiance et de respect soignant/soigné. C’est tenter de définir ensemble  des objectifs communs et adaptés, un espace où le dialogue est possible entre le savoir et l’expérience, car la stratégie thérapeutique n’a de sens qu’à rendre le patient acteur de son soin, sujet de sa maladie.

Alors parlons-en…