Le dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse doit-il être systématique chez le patient diabétique ?

Les complications cardio-vasculaires sont plus fréquentes et souvent plus sévère chez le patient diabétique, elles restent aujourd’hui la première cause de sa mortalité. 20% des patients diabétiques présentent une ischémie asymptomatique dite silencieuse. Cette cardiomyopathie silencieuse augmente le risque de mortalité cardio-vasculaire et impact le pronostic du patient diabétique. Pour autant, s’il est aujourd’hui bien acquis de réaliser au moins annuellement un dépistage du fond d’œil, une créatinémie, une albuminurie et un examen des pieds, le dépistage de la cardiomyopathie silencieuse reste controversé et non systématique.

Pourquoi une telle controverse ?

Plusieurs études randomisées et contrôlées ont été menées dans ce sens : DIAD, FACTOR 64, DADDY-D, et DYNAMIT pour les principales. Le principe de ces études et leur design étaient globalement similaires, elles avaient pour objectif de comparer des patients ayant bénéficiés d’une stratégie de dépistage systématique de cardiomyopathie silencieuse (scintigraphie myocardique, coroscanner, ou échographie de stress) versus des patients ayant suivis une stratégie de suivi standard sans dépistage systématique. Les résultats de ces études ont finalement démontrés qu’à 3 à 5 ans de suivi, la survenue d’événement cardiaques était similaire sans différence de mortalité dans les deux groupes. Il est donc clair qu’une stratégie de dépistage systématique chez les patients diabétiques asymptomatiques n’apporte pas de bénéfices supplémentaires en termes de survie ou de survenue d’un événement cardio-vasculaire.

Il a également été démontré qu’il n’existe pas de bénéfices aux stratégies de dépistage systématiques des patients diabétiques dont les facteurs de risques cardio-vasculaires sont biens contrôlés. Cette donnée semble concernées d’avantage les patients diabétiques présentant une atteinte micro vasculaire, sans sténose critique, plus sensibles au traitement médical optimisé. L’intérêt d’une revascularisation est donc moindre dans leurs cas.

L’étude récente ISCHEMIA vient confirmer ces données révélant l’absence de bénéfices de la revascularisation des lésions coronariennes stables, chez des patients ayant pourtant eu un test de dépistage positif dont plus de 50% avaient une ischémie considérée comme sévère. À trois ans de suivi, l’incidence des événements était similaire dans les groupes traitement médical seul versus revascularisation.

Enfin, a ces données viennent s’ajouter des problématiques liées à l’accès aux soins, aux coûts, et aux effets secondaires des gestes de revascularisation, rendant la balance bénéfices/risques défavorable à une stratégie de dépistage systématique.

Mais alors, quels patients faut-il dépister ?

Les futures recommandations de la Société Française de Diabétologie et de Cardiologie semblent s’orienter vers un dépistage ciblé de patient à très haut risque cardio-vasculaire défini par un score calcique supérieur à 400. En attendant ces recommandations, il parait pertinent de réserver cette stratégie de dépistage aux patients diabétiques à haut risque cardio-vasculaire ayant au moins un autre facteur de risque cardio-vasculaire (HTA, dylipidémie…).

Il semblerait également que certains facteurs cliniques soient associés à un bénéfice de dépistage de l’ischémie silencieuse, notamment les patients présentant :
• Une ischémie des membres inférieurs
• Une insuffisance rénale
• Une rétinopathie sévère et/ou une dysfonction érectile

Quel examen de dépistage réaliser ?

Le praticien dispose aujourd’hui d’un large choix d’examens permettant le dépistage de l’ischémie silencieuse, il peut ainsi orienter son choix selon le type du patient, le plateau technique et l’expertise locale dont il dispose.

Les recommandations 2019 de l’ESC (European Society of Cardiology) ont identifié les tests fonctionnels les plus efficaces en termes de dépistage : la scintigraphie cardiaque, l’échographie à la Dobutamine, et l’IRM de stress. L’épreuve d’effort a été déclassée, jugée moins efficace et moins pertinente comparativement aux autres tests.
Il existe également des moyens d’évaluation anatomique comme le coroscanner qui permet de quantifier le score calcique et la lésion coronaire.

Le score calcique a particulièrement le vent en poupe. C’est un examen simple, peu couteux, et non invasif qui permet selon le score de reclasser le risque cardio-vasculaire du patient pour adapter au mieux la prise en charge. Les études sont globalement très encourageantes, révélant sa fiabilité dans l’évaluation du risque cardio-vasculaire. Il semble bien meilleur à lui seul que l’ensemble des modèles prédictifs habituels. Son choix semble particulièrement intéressant pour évaluer le risque des patients considérés à risque modéré ou à haut risque, permettant de personnaliser la stratégie de dépistage et éviter des examens abusifs et anxiogènes pour des patients à faible score.

Pour conclure, à ce jour le dépistage de l’ischémie silencieuse chez les patients diabétiques n’a jusqu’à présent jamais démontré sa supériorité au traitement médical. En attendant les recommandations à venir, reste donc à être pragmatique, en évaluant au mieux le risque cardio-vasculaire du patient pour une stratégie de dépistage personnalisée et en renforçant le contrôle des facteurs cardio-vasculaires.

Dr Radaoui Amina, service d’endocrinologie, Centre Hospitalier de Perpignan

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