Article mis en ligne par le Docteur Nelly MORTINIERA. Tiré de l’article publié dans Diabétologie Pratique de Novembre 2017 par S.P. CHOUKEM, J.-F. GAUTIER, Hôpital Saint Louis ; UMRS 872, Centre de recherche biomédicale des Cordeliers.

Introduction :
En dehors des formes classiques de diabète sucré, type 1 et type 2, il existe une forme atypique de diabète appelé « Diabète de l’Africain » ou diabète de type 2 cétosique décrit chez les personnes d’origine africaine ou afro-américaine. Le diabète de l’africain est une expression utilisée pour désigner le diabète de type 2 cétosique qui se présente à la découverte comme un diabète de type 1 mais avec une évolution ultérieure plutôt proche de celle du diabète de type 2 avec la possibilité d’une longue phase de rémission.
C’est en 1987 qu’un chercheur américain Winter et collaborateurs vont publier la première description de cette présentation atypique de diabète chez des afro-américains. La première forme décrite était caractérisée par : un manque d’insuline à la découverte qui se corrige après plusieurs mois voire plusieurs années et l’absence d’anticorps dirigés contre le pancréas.
Depuis cette première publication de cas afro-américains, des cas similaires ont été décrits en majorité dans les populations africaines sub-sahariennes. En réalité, depuis les années 1960 et 1970, des médecins avaient décrits des présentations atypiques de diabète dans certains pays de l’Afrique sub-saharienne tels que le Nigéria, qu’ils avaient appelé « le diabète temporaire » ou « le diabète rémittent ».

Qu’elle est sa présentation clinique ?
Le diabète de type 2 cétosique est caractérisé :
– A la découverte par :
o L’âge moyen qui se situe entre 35 et 46 ans
o La présence de diabétique de type 2 dans la famille de la moitié des patients présentant ce type de diabète
o Une prédominance de cette affection chez les patients de sexe masculin (3 hommes pour 1 femme)
o Le début de l’affection est marqué par une hyperglycémie majeure pouvant atteindre les 6g/l avec la présence d’acétone dans le sang et dans les urines.
o Il existe également une augmentation de la soif et de l’envie d’uriner d’installation rapide en quelques jours voire en quelques semaines sans facteur initial de décompensation.
o L’absence d’anticorps caractéristique du diabète de type 1.
o Une amélioration rapide sous insuline.
– Ultérieurement on observe :
De nombreuses hypoglycémies malgré la baisse importante des doses d’insuline, allant jusqu’à la possibilité d’arrêter complètement le traitement par insuline relayé très vite par les antidiabétiques oraux qui eux aussi peuvent être supprimés : c’est l’entrée en rémission. Cette rémission peut-être très longue sur plusieurs années. Elle est à distinguer de la lune de miel d diabète de type1 qui est plutôt de courte durée. Il est à noter qu’un patient peut présenter plusieurs rechutes cétosiques intercalées de phases de rémission plus ou moins longues.

Que sait-on de sa répartition ?

C’est récemment en 1997 que le diabète de type 2 cétosique a été reconnu par l’OMS et l’ADA. Il est donc difficile d’avoir des données de répartition fiable dans la population africaine et afro-américaine. Cependant, le diabète de type 2 cétosique est surement la forme atypique de diabète la plus fréquente en Afrique sub-saharienne. On estime qu’il pourrait représenter 10 à 16% des cas de diabète dans cette région du monde.

Quelle en est la cause et quelles sont les diabètes auxquels il s’apparente ?

La cause exacte du diabète de type 2 cétosique n’est pas connue. Tout ce que l’on sait c’est que 20% de la population en Afrique sub-saharienne présente un déficit en une enzyme appelée G6PD (Glucose 6 Phosphates Déshydrogenase). Dans l’étude publiée par S.P. Choukem et J.-F. Gautier 42% des patients présentant ce diabète de type 2 cétosique étaient porteurs du déficit en G6PD. D’autres identifications génétiques sont en cours d’étude. Elles pourraient expliquer la fréquence élevée de ce variant atypique de diabète dans la population noire africaine et afro-américaine. Pour confirmer son existance il faut avoir éliminé un diabète auto-immun (dû à la présence d’anticorps dirigés contre le pancréas), un diabète de type 1 lent, un diabète de type 2 décompensé sur le mode acidocétosique avec un facteur déclenchant bien identifié qui peut être une infection, un problème vasculaire (attaque cardiaque ou cérébrale), un traitement par corticoïde, une maladie du pancréas etc…

De quel diabète s’agit-il ?

De nombreuses appellation lui ont été attribuées au cours de ces dernières années, à terme il est le plus souvent appelé diabète de type 2 cétosique. Il se divise en 2 sous-groupe :
– Le diabète de type 2 cétosique avec entrée en rémission qui représente la majorité des patients encore appelé Ketosis Prone Diabete.
– Le diabète de type 2 cétosique sans aucune entrée en rémission encore appelé diabète fulminant ou diabète de type 1 idiopathique.

Comment le prendre en charge ?

La prise en charge du diabète de type 2 cétosique varie en fonction de la phase clinique dans laquelle se trouve le patient. Ainsi :
Au moment de la découverte ou en phase de rechute cétosique : il faut initier un traitement par insuline et corriger les troubles ioniques. Il faut bien interroger le patient pour rechercher un facteur déclenchant évident et faire un examen clinique minutieux. Il faut ensuite, éliminer un diabète auto-immun en faisant le dosage des anticorps dirigés contre le pancréas. Enfin, il faut éduquer le patient à l’autocontrôle glycémique, aux risques d’hypoglycémie et aux différentes modalités de re-sucrage.
Dans les semaines qui suivent la sortie d’hospitalisation : Il faut mettre en place des consultations rapprochées pour ajuster les doses d’insuline. Parfois il est nécessaire d’arrêter l’insuline devant la présence d’hypoglycémies sévères et répétitives. Il faut introduire la METFORMINE chez les patients en surpoids ou obèses. Enfin il faut mettre en place la surveillance de l’hémoglobine glyquée tous les 3 mois avec la possibilité d’arrêter tout traitement si l’HbA1c < 6,5%. Pendant la période de rémission : le patient doit être informé du risque de rechute. A ce stade le traitement consiste en la mise en place de mesures hygiéno-diététiques avec ou sans antidiabétiques oraux (ADO). Conclusion : Le diabète de type 2 cétosique est en majorité décrit dans les populations africaines et afro-américaines. Il semble également exister chez les asiatiques et dans une très faible proportion chez le caucasien. Il est important de souligner que tous les diabétiques adultes noirs n’ont pas le « diabète de l’africain ». Il s’agit de cas particuliers répondant à des critères bien précis. Sa particularité vient du fait qu’il ressemble en même temps au diabète de type 1 et au diabète de type 2 avec la possibilité de rémissions prolongées. Au moment de la découverte et pendant les rechutes cétosiques sa prise en charge doit être identique à celle du diabète de type 1 et au cours des phases de rémission, sa prise en charge sera identique à celle du diabète de type 2 classique et bien équilibré.