Mis en ligne par le Dr Nelly MORTINIERA, tiré de l’article publié dans diabétologie pratique N° 75 d’avril 2020, par le Dr Élise BISMUTH REISMAN du service d’endocrinologie et diabétologie pédiatrique de l’hôpital Robert Debré, Paris.

 

Introduction :

 

Le diabète de type 2 de l’enfant reste peu connu alors que sa prévalence augmente dans le monde depuis quelques dizaines d’années. Sa présentation clinique et son évolution diffèrent de celui de l’adulte. Ces différences doivent être connues pour limiter le risque d’erreurs diagnostiques et proposer une prise en charge optimale à ces patients à risques importants de complications à court, à moyen et à long terme. Ce diabète de type 2 qui émerge dans la population pédiatrique semble être en lien direct avec l’augmentation mondiale du taux d’obésité chez les enfants.
En France, ces cas ont été décrits au début des années 2000 à l’hôpital Robert Debré. Les données récentes montrent que ce diabète concerne 1 adolescent sur 10 arrivants pour découverte de diabète. Dans les DOM-TOM ces données sont encore plus inquiétantes.

 

 

Quels sont les mécanismes qui aboutissent à cette forme de diabète chez l’enfant ?

 

Ce sont des facteurs de prédisposition et un dysfonctionnement du pancréas : Le genre féminin, l’origine ethnique non caucasienne, les antécédents familiaux de diabète de type 2, sont les facteurs favorisants pour un jeune obèse chez qui l’obésité est souvent ancienne. Chez les adolescents d’origine asiatique, le diabète de type 2 peut intéresser des individus à poids normal. A cela s’associe un dysfonctionnement du pancréas. Cependant la découverte d’un diabète de type 2 avant la puberté reste rare.

 

         

 

Une présentation clinique particulièrement trompeuse !

Dans la majorité des cas, il s’agit d’un tableau habituel avec une augmentation de la soif et des mictions. Dans un tiers des cas il y a présence d’acétone, cela traduit l’errance au diagnostic fréquent chez des jeunes pour qui la perte de poids peut être vécue de manière positive pour eux-mêmes et pour leur famille. Certains diagnostics sont posés lorsque l’IMC s’est normalisé, d’où l’importance de bien reconstituer les courbes de croissance et de corpulence pour tous les enfants qui révèlent un diabète. Certains de ces diabètes se révèlent par une coloration foncée du cou donnant l’impression d’avoir « de la crasse » appelée : Acanthosis Nigricans. Dans d’autres cas, l’entrée dans la maladie se manifeste par des décompensations aiguës du diabète.

 

           

 

Quelle prise en charge chez ces patients ?

 

La prise en charge du diabète de type 2 de l’enfant reste superposable à celui de l’adulte avec quelques nuances pour éviter d’éventuels pièges : un adolescent obèse présentant un diabète de type 1 pourrait avoir une présentation clinique très similaire. Le diagnostic de diabète de type 2 peut être suspecté mais certainement pas affirmé. La prise en charge va être guidée par la présentation clinique. Elle sera pour la plupart des cas réalisée à l’hôpital en particulier en cas de décompensation aiguë du diabète.
Cette prise en charge va également permettre de réaliser l’annonce de la maladie, de préciser le type de diabète, d’éduquer le patient et son entourage familial, de mettre en place un suivi régulier du patient, de réaliser l’éducation thérapeutique de la famille et de mettre en place un traitement.

 

                

 

Quels traitements pour ces patients ?

 

Le traitement dans le diabète de type 2 de l’enfant répond aux mêmes principes préconisés chez le diabétique de type 2 adulte qui sont : le respect des règles hygiéno-diététiques; l’application des mesures diététiques seront recommandées à toute la famille. Limiter le temps passé devant les écrans et préserver un temps de sommeil sont aussi des aspects importants de la prise en charge.

L’insuline qui est nécessaire surtout à la découverte de la maladie ou après quelques années de suivi chez les enfants sevrés en insuline. Les traitements contre le diabète en comprimés tels que la METFORMINE qui peut être prescrite chez l’enfant à partir de l’âge de 10 ans. Mais ce traitement reste souvent mal toléré donc mal pris. D’autres molécules sont en cours d’études chez l’adolescent mais ne sont pas encore autorisées en France. Récemment, le Liraglutide encore appelé VICTOZA, a obtenu l’autorisation d’être utilisé dans le diabète de type 2 de l’adolescent. Cela laisse entrevoir des perspectives pour ces patients.

La chirurgie bariatrique (chirurgie de l’estomac) est une possibilité chez l’adolescent présentant un diabète de type 2. Cette chirurgie conduit à de bons résultats mais avec beaucoup de contraintes et de complications, d’où l’importance de bien sélectionner les patients en amont.

 

                            

 

Quel suivi ultérieur pour ces patients ?

 

Le risque de complications chroniques liées au diabète et à l’obésité associée est plus élevé chez les adolescents. Les complications par atteinte des petits vaisseaux encore appelées micro angiopathie peuvent survenir précocement. Leur dépistage sera alors réalisé dès la découverte et tous les ans en particulier pour l’atteinte des vaisseaux des yeux et des reins. La cible d’hémoglobine glyquée est < 7% voir même < 6,5%. Une éducation thérapeutique adaptée sera réalisée pour prévenir les situations aiguës. La prise en charge des comorbidités sera associée à la prise en charge du diabète. Ces adolescents devront être informés des risques qu’ils encourent sur leur état de santé, en cas de consommation de tabac et d’alcool.

 

 

Faut-il mieux dépister les adolescents obèses ?

 

Les recommandations préconisent de rechercher un pré-diabète après l’âge de 10 ans et/ou après le début de la puberté chez les adolescents obèses présentant des facteurs de risque. Ces facteurs de risque sont : la présence d’un diabète gestationnel lors de la grossesse de l’enfant en question, les antécédents de retard de croissance pendant la grossesse de l’enfant, la présence d’un diabète chez les parents, les ethnies à haut risque (asiatique par exemple…), la présence de signes cliniques d’insulino-résistance. Ceci dit, très peu d’adolescents révèlent un diabète de type 2 suite à un dépistage. Ce qui veut dire que la plupart des adolescents obèses n’effectuent pas de dépistage du diabète de type 2, soit par ignorance des pédiatres, soit par refus de la famille. Les informations sur les signes de l’hyperglycémie, sont essentielles et doivent être données dans le cadre de la prise en charge de tout enfant obèse.

 

 

Conclusion :

Le diabète de type 2 révélé à l’âge pédiatrique n’est plus rare. Il est nécessaire d’y penser devant un diabète inaugural chez un adolescent aux antécédents d’obésité et en l’absence d’anticorps, car il existe des enjeux pronostiques et thérapeutiques pour ces patients. Le diabète de type 2 de l’adolescent est une maladie grave dont le diagnostic est souvent trop tardif : une perte de poids « inexpliquée » chez un adolescent obèse devra faire évoquer le diagnostic. Contrairement au diabète de type 2 de l’adulte, la nécessité de recourir à l’insuline est fréquente chez le jeune. La transition et la poursuite du suivi régulier en endocrinologie adulte sont importantes et doivent tenir compte des particularités de cette forme de diabète caractérisée par des complications précoces.