Article du Dr Muriel BENICHOU d’après une communication du Dr Senet

 

Au cours du diabète, les atteintes cutanées sont fréquentes touchant de 50 à 60% des patients diabétiques, qu’ils soient de type 1 ou de type 2.

Ces manifestations cutanées peuvent être classées en 3 catégories

  • Dermatoses fortement associées à la présence d’un diabète
  • Dermatoses liées aux complications du diabète
  • Dermatoses liées aux traitements du diabète

 

1°) Dermatoses associées à la présence d’un diabète

 

Certaines atteintes dermatologiques peuvent se retrouver chez les personnes non diabétiques mais sont beaucoup plus fréquentes en cas de diabète. La mise en évidence d’une de ces atteintes chez un patient doit donc faire rechercher un diabète.

Il s’agit de la nécrobiose lipoïdique, du  granulome annulaire, de l’acanthosis nigricans et du vitiligo.

 

  • La nécrobiose lipoïdique:

 

 

 

 

c’est une dermatose rare survenant chez seulement 0.3% des diabétiques mais 65% des patients présentant une nécrobiose lipoïdique sont diabétiques et 75% sont des femmes. Elle se présente sous forme de lésions rouges violacées, bilatérales, siégeant le plus souvent au niveau de la face antérieure des jambes, dont le centre atrophique peut s’ulcérer spontanément ou après un traumatisme mineur et évoluer vers la nécrose. Elle touche aussi bien les diabétiques de type 1 que de type 2 mais est plus fréquente en cas de complication oculaire ou rénale.  Aucun traitement n’a fait clairement la preuve de son efficacité. Des dermocorticoides ou une corticothérapie générale peuvent être utilisées. Dans les formes ulcérées, l’exérèse chirurgicale suivie de greffe peuvent se discuter.

 

  • Le granulome annulaire :

L’association au diabète est classique mais surtout recherchée dans les formes généralisées ou d’évolution prolongée. Il s’agit de petites papules de la couleur de la peau de disposition arciforme à extension centrifuge siégeant habituellement sur les faces d’extension des membres particulièrement sur le dos des pieds ou des mains. L’évolution est généralement bénigne en quelques mois. La rémission spontanée est généralement la règle justifiant dans la plupart des cas l’abstention thérapeutique.

 

 

  • L’acanthosis nigricans :

 

il s’agit d’un marqueur d’ insulinorésistance que l’on retrouve surtout chez les diabétiques de type 2 et les patients obèses.  Elle se présente sous forme de placards cutanés épais, de pigmentation brune que l’on pourrait prendre pour de la crasse( si l’on veut utiliser un langage courant),  siégeant préférentiellement au niveau des creux axillaires et de la nuque.

 

  • Le vitiligo :

 

Il s’agit d’atteintes cutanées bénignes mais parfois disgracieuses et gênantes pour le patient à type de larges plaques de dépigmentation le plus souvent de localisation péri orificielle ou sur les faces d’extension des membres liées à une destruction des mélanocytes de l’épiderme d’origine auto-immune. Il est donc plus fréquemment associé au diabète de type 1 mais peut aussi être associé au diabète de type 2.

 

 

2° ) Dermatoses liées aux complications du diabète

On distinguera les complications cutanées aigues et chroniques du diabète

 

Complications aigues

Il s’agit essentiellement des infections. Un dysfonctionnement global des cellules impliquées dans la défense contre les infections (appelés polynucléaires neutrophiles) se manifestent en cas de mauvais équilibre du diabète. Ce dysfonctionnement rend le patient diabétique plus sensible aux infections. Ainsi les infections cutanées sont fréquentes en cas de diabète déséquilibré, dominées par les infections mycosiques. En revanche si le diabète est bien équilibré, ces infections ne sont pas plus fréquentes que dans la population générale.

Infections mycosiques :

L’association des mycoses avec le diabète déséquilibré est fréquente : perlèche, vulvovaginite, balanite, onychomycoses (mycose des ongles). La prévalence des onychomycoses est élevée pouvant toucher 35% des diabétiques en cas de diabète déséquilibré. Elles sont le plus souvent associées à un intertrigo inter orteil. Les dermatophytes et les candida albicans sont les 2 principaux champignons responsables de ces infections mycosiques. Il est particulièrement important de traiter les onychomycoses et les intertrigos inter orteils chez les patients diabétiques car ils peuvent constituer une porte d’entrée infectieuse et faire le lit de plaies sévères. Le traitement des mycoses chez le diabétique est le même que chez le patient non diabétique à base d’antimycotiques mais les indications de traitement sont plus systématiques que chez le non diabétique.

 

  Infections bactériennes :

Un diabète déséquilibré peut favoriser l’apparition d’infections cutanées superficielles extensives, récidivantes et parfois résistantes au traitement à type de folliculites, furonculose, impétigo ou erythrasma.  L’évolution de ces infections est liée étroitement à celle de l’équilibre du diabète.

 

Folliculite, furonculose, impétigo : infections à Staphylocoque et /ou streptocoque

 

 

 

 

 

 

Erythrasma : infection à Corynebacterium minutissimum

 

 

  • Complications chroniques

 

On distingue

 

La bullose des diabétiques

 

Des bulles tendues, souvent multiples, de taille variable peuvent apparaître spontanément  en peau saine chez les diabétiques en dehors de toute maladie auto-immune, infectieuse, traumatique ou de stase.

Ces bulles siègent généralement sur les membres notamment sur la face d’extension des mb < . L’évolution se fait généralement vers la formation d’une croûte avec guérison spontanée en quelques semaine sans traitement particulier en dehors des soins locaux usuels .

La plupart des patients atteints sont des diabétiques de longue date, porteurs de complications vasculaires liées au diabète. Ces complications induiraient une fragilité cutanée en raison de la mauvaise vascularisation cutanée , responsables de la formation de ces bulles.

 

La dermopathie diabétique

 

C’est une des manifestations cutanées les plus fréquentes chez les diabétiques bien qu’elle ne soit pas spécifique.

Il s’agit de lésions atrophiques, arrondies, hyperpigmentées, bilatérales siégeant sur la face tibiale des mb<, survenant chez des diabétiques de longue date. Une atteinte de la microcirculation est souvent avancée. Aucun traitement n’est nécessaire en dehors d’une protection contre les traumatismes.

 

Les états pseudosclérodermiques

 

On distingue le scléroedeme de Buschke, la sclérose des extrémités avec enraidissement articulaire et l’épaississement isolé de la peau

 

-Scléroedème de Buschke

 

 

Il touche préférentiellement des diabétiques de type 2 , obèses et se caractérise par un épaississement cutané important débutant au niveau de la nuque et du haut du dos , s’étendant progressivement sur le tronc et quelquefois les membres, avec respect des extrémités. Ceci se traduit par une limitation des mouvements due à l’épaississement cutané. L’évolution est chronique sans tendance à la régression. La cause en est inconnue.

 

-Sclérose des extrémités avec enraidissement articulaire

 

Elle touche préférentiellement des diabétiques  de type 1 présentant des complications oculaires ou rénales.

Elle débute typiquement par une atteinte du 5° doigt et s’étend progressivement touchant les articulations interphalangiennes, métacarpo-phalangiennes et le poignet. Les patients ne peuvent plus appliquer leurs mains l’une contre l’autre (signe de la prière) ou les apposer à plat sur une table.

 

  • Epaississement isolé de la peau

 

20 à 30% des patients diabétiques depuis plus de 10 ans ont un épaississement cutané du dos des mains mais également des pieds. Cependant il ne limite pas la mobilité articulaire contrairement à la sclérose des extrémités.

 

 

Le prurit

 

Le prurit généralisé n’est pas plus fréquent chez le diabètique.

En revanche, les prurits localisés anaux ou génitaux sont plus fréquents et souvent en lien avec une candidose.

 

 

3° ) Dermatoses liés aux traitements du diabète

 

-Eruptions dues aux antidiabétiques non insuliniques

 

 

L’éruption est le plus souvent à type de rash maculopapuleux bien que des réactions urticariennes soient aussi possibles. Elle survient habituellement dans le premier mois de traitement.

 

  • Réactions cutanées à l’insuline

 

Les réactions allergiques à l’insuline sont rares. Des réactions locales retardées à type de papule ou nodule prurigineux  peuvent survenir aux sites d’injection dans les 24 à 48 h après l’injection, disparaissant généralement en quelques semaines alors que le traitement est maintenu ; des réactions immédiates urticariennes sont également rapportées dans des délais très variables après le début de l’insulinothérapie nécessitant en revanche de changer le type d’insuline. Les réactions allergiques à type d’œdème de Quincke sont elles heureusement exceptionnelles.

 

En conclusion

Les problèmes cutanés chez les patients diabétiques sont particulièrement fréquents puisqu’ils toucheraient plus de la moitié d’entre eux, aussi bien les diabétiques de type 1 que les diabétiques de type 2 , en particulier ceux présentant un diabète ancien et des complications notamment microvasculaires (oculaires, rénales).

Si certaines manifestations sont seulement associées au diabète, d’autres comme les infections trainantes ou récidivantes sont favorisées par un diabète mal équilibré d’où l’importance de traiter  non seulement le problème dermatologique mais aussi de travailler sur un meilleur équilibre glycémique.