Résumé de l’article « Carences nutritionnelles des temps modernes » paru dans diabétologie-pratique 2021 proposé par le DR RADAOUI Amina Endocrinologue CH PERPIGNAN.

En cette période estivale, les régimes alimentaires amaigrissants ont encore le vent en poupe et font encore trop souvent la une des magazines. Chaque année de nouveaux régimes ou modes alimentaires singuliers se développent, dans un climat d’anxiété alimentaire et de crise de confiance sociétale, fondés sur des idéologies, des croyances ou dans un but uniquement esthétique sans tenir compte des besoins physiologiques quotidiens, exposant les patients à divers risques et dangers. Sont apparus des régimes restrictifs sans gluten, sans lait, sans viande, sans sucre, sans graisses, et pourquoi pas sans rien puisque la mode du jeûne bat son plein… Ne sachant plus quoi manger, ni qui écouter, entre professionnels de santé, média, et réseaux sociaux aux messages contradictoires, les consommateurs se perdent et adoptent des comportements à risque. Les chiffres croissants du surpoids et l’obésité laissent craindre une augmentation de ces régimes, représentant un véritable business lucratif et florissant. Selon l’ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) un français sur trois est en surpoids, soit 32% de la population générale de plus de 18 ans, et 15% en obésité. Pourtant leurs méfaits sont régulièrement dénoncés par les nutritionnistes et spécialistes de l’obésité. A travers cet article, nous rappellerons les principaux risques et dangers, en insistant particulièrement sur le risque carentiel.

Risque pondéral :
Nous connaissons leurs méfaits pondéraux, qui exposent les patients au fameux effet yoyo. En effet, après la mise en place d’un régime hypocalorique et restrictif malgré une perte de poids initial, le métabolisme et la dépense énergétique de base sont mis à mal, exposant le patient à une reprise pondérale quasi-inévitable à l’arrêt du régime et ceux malgré la reprise d’un régime équilibré normo-calorique dans les suites.

Risques psychologiques :
S’en suivent des méfaits psychologiques, liés notamment aux faux espoirs donnés par les régimes et aux situations d’échecs à répétitions, avec un dérèglement des signaux internes physiologiques, pouvant entrainer une mauvaise estime de soi, allant jusqu’à la dépression réactionnelle à cette problématique pondérale souvent complexe, auquel un régime restrictif ne peut répondre.
Risques carentiels:
Les régimes restrictifs ou d’exclusions sont potentiellement pourvoyeur de carence. Le risque reste raisonnable du fait des capacités d’adaptation physiologique de l’espèce humaine et parce que ces régimes sont généralement pratiqués sur une courte période. Le risque n’en est pas moins réel sur des pratiques radicales et chez des sujets fragiles. Les enfants et adolescents s’exposent à des carences protéiques pouvant entrainer un ralentissement de la croissance et du développement pubertaire, la femme enceinte s’expose également en cas de carences à un ralentissement du développement et de la croissance de son fœtus. Enfin la perte de masse musculaire et osseuse chez les personnes âgées entraine l’affaiblissement.
• Le régime végétarien : bien qu’il ne concerne que 3% des français dont 0,3% de végétaliens, le régime végétarien est un des plus populaires. Les anciennes études observationnelles montrent des effets plutôt favorables, notamment en ce qui concerne la réduction de l’incidence des cancers, des maladies cardio-vasculaires et du diabète. Le statut protéique et la balance azotée ne sont pas affecté, à condition de respecter une bonne complémentarité des aliments (céréales et légumineuses). En sachant que les protéines végétales restent de moins bonnes qualités du fait des acides aminés limitant et d’une moindre digestibilité. En revanche les acides gras n-3 (oméga3) sont systématiquement déficitaire. Leur concentration circulante est particulièrement basse chez les végétaliens entrainant une diminution de la DHA et de l’EPA. Une supplémentation est recommandée chez la femme enceinte et chez les enfants de mère végétaliennes. Un déficit en micronutriment est également décrit. Le déficit en vitamine B12 est constant chez les végétariens et peut être symptomatique chez les végétaliens, puisque la vitamine b12 assimilable ne se trouve que chez les animaux. Son déficit provoque une augmentation de l’homocysteine, associé à l’augmentation du risque cardio-vasculaire. Sa supplémentation est indispensable chez les végétaliens.
• Les régimes d’exclusions : fondés sur des données pseudo scientifiques et mal interprétés, les régimes d’exclusion ne sont pas sans risques lorsqu’ils ne sont pas médicalement justifiés.
o Régime sans lait ni laitage : depuis une vingtaine d’années, une véritable mode anti-lait s’est développé, sous prétexte que sa consommation n’est pas adapté pour les êtres humains après sevrage. Cette croyance ne repose sur aucune donnée scientifique sérieuse, à ce jour, rien ne permet d’affirmer que le lait et ses dérivés, ont une responsabilité dans le développement de maladies chroniques ou dégénératives. L’intolérance au lactose chez l’adulte est relative… Par leur haute teneur en calcium bien assimilable et leur richesse en biopéptides et en acides gras trans antiathérogènes, les produits laitiers sont des aliments remarquables, ne pouvant être substitués par les leurres que sont les « laits » végétaux.
o Régime sans gluten : il s’agit de l’unique traitement de la maladie cœliaque, il semble améliorer des patients présentant « une hypersensibilité au gluten », qui reste une entité mal définie de patients atteints du syndrome de l’intestin irritable. Le risque de carence est mal connu chez les sujets en bonne santé pratiquant ce régime, en revanche il est associé à une réduction des apports en fibres alimentaires et en oligo-éléments.
Il existe bien d’autres régimes d’exclusions et lubies alimentaires que nous n’allons pas tous cités, heureusement la plupart ne sont pas responsables de carences caractérisées, à l’exception du jeune intermittent qu’aucun argument rationnel ne justifie. Pour autant, ils sont tous responsable d’un déséquilibre alimentaire pouvant avoir des conséquences à long terme, notamment dans les populations fragiles.
Il est nécessaire de rappeler que le surpoids et l’obésité sont des pathologies complexes qui nécessitent une prise en charge globale par un ou des professionnel de santé, et repose sur la mise en place d’une hygiène de vie alimentaire et sportive adapté, tenant compte des besoins nutritionnels et préconisant une diversité alimentaire. En dehors de toute prescription médicale, les régimes restrictifs sont à proscrire !

Dr Radaoui Amina, service d’Endocrinologie, CH Perpignan
Résumé de l’article « Carences nutritionnelles des temps modernes » paru dans diabétologie-pratique 2021